Pendoncles
Derek Munn
Ça ne fait pas musée.
Une petite plaque, une affiche plutôt discrète, sinon rien ne le distingue d’une maison ordinaire. Une belle maison, dans une rue résidentielle.
Je ne me vois pas y entrer toute seule, pas aujourd’hui.
Non.
J’attendrai dehors.
J’essaye de regarder un peu aux fenêtres – ce serait bête si Marie m’attendait à l’intérieur. On ne voit pas grand-chose. Mais elle viendrait quand même à la porte de temps en temps.
De toute façon, j’arrive toujours la première.
Faut croire que j’aime attendre.
Un petit musée privé, m’a-t-elle dit au téléphone, un passionné qui montre sa collection personnelle et deux fois par an organise des expositions temporaires. Je n’en avais jamais entendu parler.
Passionné ; c’est bien un mot à Marie. Passionné, passionnant, passionnément. C’est probablement pour ça que je l’ai appelée. J’avais besoin de parler, d’aérer ma tête, retrouver un peu d’enthousiasme. Une exposition ? Pourquoi pas ? Ça serait calme, distrayant, ça faciliterait la parole. Après, on irait boire un pot.
Des paroles, j’en étais pleine ce soir-là. À craquer. Depuis la séparation, je ne parle à personne. Juste des échanges de formules. Ce qui intéresse les autres est fiché dans un dossier, enregistré sur une carte à puce. Vous pouvez insérer votre carte, vous pouvez retirer votre carte. Et entre-temps tu te tais. On regarde plus volontiers un écran qu’un visage. S’investir devient un piège. Je le vois bien au travail. Je ne sais plus à quoi je sers. On m’efface, tout en exigeant une disponibilité reconnaissante et une flexibilité d’élastique. C’est du harcèlement continu, mais tout le monde est visé. Chacun s’accroche comme il peut. Aujourd’hui, même la solidarité est devenue flexible
...
Ça ne fait pas musée.
Une petite plaque, une affiche plutôt discrète, sinon rien ne le distingue d’une maison ordinaire. Une belle maison, dans une rue résidentielle.
Je ne me vois pas y entrer toute seule, pas aujourd’hui.
Non.
J’attendrai dehors.
J’essaye de regarder un peu aux fenêtres – ce serait bête si Marie m’attendait à l’intérieur. On ne voit pas grand-chose. Mais elle viendrait quand même à la porte de temps en temps.
De toute façon, j’arrive toujours la première.
Faut croire que j’aime attendre.
Un petit musée privé, m’a-t-elle dit au téléphone, un passionné qui montre sa collection personnelle et deux fois par an organise des expositions temporaires. Je n’en avais jamais entendu parler.
Passionné ; c’est bien un mot à Marie. Passionné, passionnant, passionnément. C’est probablement pour ça que je l’ai appelée. J’avais besoin de parler, d’aérer ma tête, retrouver un peu d’enthousiasme. Une exposition ? Pourquoi pas ? Ça serait calme, distrayant, ça faciliterait la parole. Après, on irait boire un pot.
Des paroles, j’en étais pleine ce soir-là. À craquer. Depuis la séparation, je ne parle à personne. Juste des échanges de formules. Ce qui intéresse les autres est fiché dans un dossier, enregistré sur une carte à puce. Vous pouvez insérer votre carte, vous pouvez retirer votre carte. Et entre-temps tu te tais. On regarde plus volontiers un écran qu’un visage. S’investir devient un piège. Je le vois bien au travail. Je ne sais plus à quoi je sers. On m’efface, tout en exigeant une disponibilité reconnaissante et une flexibilité d’élastique. C’est du harcèlement continu, mais tout le monde est visé. Chacun s’accroche comme il peut. Aujourd’hui, même la solidarité est devenue flexible
...
0 Comments:
Enregistrer un commentaire
<< Home